Carboneutralité nette ou carboneutralité réelle?
En cette campagne électorale, tous les partis politiques essayent de nous vendre leur politique environnementale. Pour ce faire, ils mettent de l’avant de beaux mots séducteurs tels que « réduire les gaz à effet de serre (GES) » et « carboneutralité nette ». Et ils font semblant de suivre le dernier rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) qui fait état d’une situation climatique alarmante.[1] Comme des paons qui tentent de séduire, les chefs de partis politiques font l’éventail de la beauté de leur programme de « carboneutralité nette ». Mais cette carboneutralité est-elle réelle?
Derrière les mots « carboneutralité nette » et « réduction des GES », il faut discerner l’arnaque, car il y a une « comptabilité créative » au sujet de la façon de calculer les émissions! Les millions de tonnes de CO2 résultant des nombreux feux de forêts (en Californie, en Colombie-Britannique, en Sibérie, au Brésil et ailleurs) ne sont pas comptées comme des émissions de carbone. Ou encore, dans le bilan canadien, on compte les GES lors de la production du pétrole dans les sables bitumineux albertains mais ceux émis lors du raffinage ou de son éventuelle combustion dans un pays étranger ne comptent pas dans notre bilan! C’est avec ce genre de comptabilité créative que l’on tente de justifier l’agrandissement du pipeline Trans Mountain. Les GES et le climat respectent-ils les frontières et les normes bureaucratiques?
La « carboneutralité nette » est très différente de la « carboneutralité réelle ».[2] Selon le site web du gouvernement fédéral, « l’objectif de la carboneutralité signifie que notre économie n’émet pas de gaz à effet de serre ou compense ses émissions, par exemple, par des mesures comme la plantation d’arbres ou l’utilisation de technologies qui peuvent capter le carbone avant qu’il ne soit rejeté dans l’air. [3] Planter des arbres est une action louable mais elle a ses limites. Selon cette stratégie, il faudrait planter des milliards d’hectares de forêts pour absorber tout le carbone émis dans l’atmosphère.[4]
L’article du magazine « Good Planet » mentionné au paragraphe précédent affirme également que la « carboneutralité nette » est très gourmande en terres agricoles. En reboisant les terres pour réduire la présence de carbone, cette action pourrait entraîner une augmentation de 80% du prix des denrées alimentaires. Par exemple, ici au Québec, notre gouvernement se prépare à exiger que le pourcentage d’éthanol dans l’essence augmente à 15% d’ici 2030. Ça veut dire que la presque totalité de la production de maïs-grain du Québec serait requise pour satisfaire cette nouvelle norme. [5] Il faut se rappeler que l’empreinte globale des GES de cet éthanol, distillé à partir de maïs-grain, est pire que celle d’un carburant fossile. Pour produire ce maïs, il faut du carburant diésel pour les labours, la préparation du sol, l’ensemencement, l’application d’engrais azotés et de pesticides, la récolte, le séchage avec du propane, ainsi que le transport à l’usine. Cette sorte de « carboneutralité nette » laisse-t-elle de la place à l’alimentation des animaux et, par ricochet, à celle des humains?
La « carboneutralité nette » dont se gargarisent le lobby pétrolier et certains politiciens doit être scrutée à la loupe. Considérant l’urgence climatique, il faut insister pour une « carboneutralité réelle », la seule qui puisse réduire les effets catastrophiques des changements climatiques. Depuis 10 ans, le mouvement environnemental du Québec, dont le RVHQ, a freiné la fracturation de quelque 20 000 puits de gaz de schiste prévus dans la vallée du Saint-Laurent; selon l’IRIS, cela a évité que l’équivalent de 4 millions de tonnes de CO2 par année soient rejetées dans l’atmosphère. De même, selon l’Institut Pembina, la mise au rancart du projet d’oléoduc Énergie Est a évité l’empreinte totale de gaz carbonique de 32 millions de tonnes annuellement. Enfin, Nature Québec a calculé que GNL Québec, en amont et en aval de l’usine de liquéfaction, aurait produit 50 millions de tonnes par an. Grâce à nos luttes, sur un horizon de 10 ans, il y a un évitement de 860 millions de tonnes de CO2 dans l’air que nous respirons.
Contrairement aux affirmations mielleuses des grands de ce monde, nous avons évité que des centaines de millions de tonnes de gaz carbonique soient ajoutées dans l’atmosphère. Il s’agit d’un effet réel. En ce début de septembre, les principaux journaux médicaux plaident pour une lutte immédiate contre le réchauffement climatique. Selon eux, « une meilleure qualité de l’air permettrait à elle seule d’obtenir des améliorations pour la santé qui compensent facilement le coût global de la réduction des émissions. » [6] Fini les jeux de mots![7] La réduction de gaz carbonique doit être réelle et immédiate!
Gérard Montpetit
membre du CCCPEM
2] https://thetyee.ca/News/2021/06/21/Net-Zero-Emissions-Not-As-Green-As-You-Think/
7] https://www.nationalobserver.com/2021/06/10/opinion/why-oilsands-giants-net-zero-pledge-skepticism