Enfin ! Comme avant!
M Martin Bouchard nous propose une réflexion poétique qui traduit l’exaspération du vécu des deux dernières années mais aussi la crainte du retour à une normalité et une iniquité inchangées
.Enfin ! Comme avant
Deux ans de limitations, d’obligations
D’isolement, d’appréhensions
D’impuissance, d’anxiété
Le masque au nez
L’alcool aux mains
Et l’aiguille au bras
Trois fois plutôt qu’une
Des rumeurs pour quatre, peut-être
Et le code à montrer.
Pour se saluer :
Zéro bizou, zéro toucher
Que le coude ou le pied
Et tiens-toi éloigné.
Tous ces mois sur pause
Sauf pour la mort, fauchant les nôtres.
Et la peur des uns
Condamnant les autres.
700 points de presse
De valses-hésitation
De contradictions
Un jour : Oui, comme ci
Le suivant : Non, comme ça.
Rien que des doutes.
Qui a tort, qui dit vrai ?
Peut-être un peu des deux à la fois…
Et voilà qu’on nous dit :
Il est là pour rester
Mais le pire est derrière
Faudra vivre avec…
Volte-face : plus besoin de dépister.
Allez comprendre …
Mais quand même : libération
Longs soupirs, larges sourires.
« Let’s go », on s’en promet
Des bouchées doubles.
Allez ! Allègrement !
Voyages, grosses bagnoles, magasinage, gadgets, divertissement, sorties…
Allez! On s’éclate. On le mérite.
Au diable les dépenses
Rien n’est trop beau
Pour qui n’en a jamais assez
Et « fuck » la planète.
Vivement retour à la normalité
Toutes les manifs l’exigent.
Mais voilà les rabat-joie
Des drapeaux rouges s’agitent
Leurs voix nous questionnent:
Devrait-on plutôt dire :
Retour à l’anormalité ?
Richesse, Édens concentrés au nord
Misère, Géhenne agglutinées au sud.
Verdure pour nous
Déserts pour eux.
Obésité par ici
Famine tout en bas.
Leurs ressources dans nos mains
Nos ordures dans leurs cours.
Bitume nordique
Boue sudiste.
Matelas sur nos lits douillets
Nattes au sol de leurs huttes.
Tout moteur par chez-nous
Huile de bras par chez-eux.
Nos écus pour des soins
Eux qui crèvent les poches vides.
Nos berceaux refroidis
Et les leurs qui surchauffent.
Et quoi d’autre ? …
Dubaï et Calcutta ?
Ou encore le tourisme spatial ?
Le génie au service de la folie.
Le veau d’or séduit
Et l’humain succombe.
Cette bêtise serait-elle plus meurtrière
Que le pire des virus ?
Je n’ai plus aucun doute !
Et vous ?
♫ « Quand les hommes vivront d’amour
Il n’y aura plus de misère …
Mais nous, serons-nous morts, mes frères » ? ♫
(Raymond Lévesque)