Histoire de pont

Mme Denise Campillo et François Prévost nous font part de la réflexion suivante: faut-il sacrifier un pont patrimonial aux demandes de l'agriculture industrielle? Dans le contexte de la crise climatique, la question prend une dimension symbolique.

Histoire de pont


Dans Le Devoir du 17 mai, sous la plume de Jean-François Nadeau, nous apprenons qu’un
pont de fer est en danger. Le pont Paré enjambe la rivière Noire sur le territoire de Saint-Valérien-de-Milton, en Montérégie. Ce pont, dont la valeur patrimoniale est reconnue, est fermé depuis près de 10 ans. Sa structure est bonne; il a besoin de réparations. Où est le problème? Est-il vraiment si difficile de trouver le financement nécessaire pour le rouvrir à la circulation?

Mais peut-être s’agit-il d’autre chose : des agriculteurs de l’endroit souhaitent en effet qu’il soit démoli et remplacé par un autre pont plus large qui permettrait le passage des gros engins agricoles lourds et surdimensionnés.

Nous touchons là à une question plus grave, plus complexe, qui concerne des choix de société et s’inscrit dans la ligne du temps. Pour résumer, qu’est-ce qui est plus important, la protection du patrimoine, des paysages et de la biodiversité, ou la poursuite d’une exploitation intensive et à court terme des terres agricoles?

Or, un autre article du Devoir le mentionnait la semaine dernière, les terres agricoles de la Montérégie sont en train d’étouffer, à cause justement de ce mode d’exploitation intensive. C’est une tendance lourde qui peut mener à l’effondrement de l’agriculture industrielle d’ici 20 ans. Il serait donc temps de réfléchir à l’avenir à moyen terme de ce secteur de notre économie.

De plus, dans le contexte de la crise climatique qui ne peut que s’intensifier, il est indispensable de protéger la vitalité et la diversité des écosystèmes, éléments fondamentaux de notre production alimentaire.

Pouvons-nous demander à nos concitoyens agriculteurs (et à nos gouvernements) de penser moins en termes de croissance (de la superficie des champs, des investissements, de la production destinée à l’élevage industriel et à l’exportation) et plus en termes de préservation de l’environnement et des terres, d’autonomie alimentaire, de qualité du milieu de vie des générations à venir?

La protection et la réparation du pont Paré prennent ici valeur de symbole. En préservant notre patrimoine, c’est l’ensemble de notre territoire et de notre mode de vie que nous protégeons.


Le 19 mai 2023

Denise Campillo et François Prévost, Roxton Falls


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