Le gaz naturel n'est pas une énergie de transition valable
Mme Louise Morand rappelle qu'en raison des émissions fugitives de méthane qu'il provoque, le gaz naturel et le GNL sont plus nocifs pour le climat que les combustibles qu'ils visent à remplacer.
Le gaz naturel n’est pas une énergie de transition valable
La population du Québec a pu apprendre récemment que le gouvernement de Philippe Couillard a donné 20 millions de dollars en provenance du Fonds vert à Gaz Métro pour le développement de son réseau de distribution dans les régions de Thetford Mines et de la Beauce1. Aujourd’hui, une autre annonce similaire concerne la région de Portneuf2. Le gouvernement avait annoncé son intention de favoriser l’extension du réseau gazier et de développer son réseau d’approvisionnement en gaz naturel liquéfié dans sa politique énergétique dévoilée en avril 2016 et il le fait. Le problème, c’est qu’il le fait sous de faux prétextes : le plus important étant celui de la lutte contre les changements climatiques. Le gaz naturel est décrit comme «une énergie de transition profitable pour le Québec» 3. À y regarder de plus près, la réalité est tout autre.Depuis plusieurs années déjà4, des chercheurs nous ont avertis que le gaz naturel, à l’exception du gaz issu de la biométhanisation, est plus polluant que les produits pétroliers qu’il vise à remplacer. Si on tient compte des fuites de méthane qui se produisent tout au long de la chaîne de production, de traitement, de transport, de distribution et d’utilisation du gaz, en plus des émissions en provenance des puits orphelins, les chiffres sur lesquels se basent les gouvernements pour justifier l’emploi du gaz comme énergie de transition ne tiennent plus la route. L’empreinte carbone du gaz naturel et du GNL est trop grande.Dans un webinaire organisé par HEC Montréal le 17 mai dernier, Mme Rosa Dominguez-Faust, responsable du Sustainable Transportation Energy Pathways (STEP) de l’Institute of Transportation Studies à l’Université de Californie Davis, a démontré à l’aide d’une série d’études que les émissions de GES liés au gaz naturel sont de 25% à 75% supérieures aux données fournies par l’agence gouvernementale américaine Environmental Protection Agency (EPA). Elle démontre également que les véhicules lourds qui fonctionnent au gaz naturel liquéfié (GNL), que veut développer chez nous le gouvernement Couillard, émettent davantage de GES que ceux roulant au diésel5.Ce n’est pas par ignorance que nos élus ne tiennent pas compte de ces études. Nous savons maintenant que le déni de la science, le mensonge, la désinformation sont les stratégies qui prévalent dans les hautes sphères du pouvoir afin de sauvegarder les intérêts du capitalisme extractiviste actuel, même si ces stratégies doivent conduire à la destruction de la civilisation.Nous savons que le gouvernement de Philippe Couillard usera de toutes les stratégies possibles pour donner un semblant de légitimité à la transition du Québec vers le gaz naturel, issu principalement en ce moment de l’Ouest canadien et des États-Unis; en attendant de multiplier les forages dans les grès et shales chez nous. Cela, malgré la crise climatique et les problèmes environnementaux et de santé publique que provoquent cette industrie partout où elle s’est implantée. Pour compliquer la scène, commence déjà à retentir l’appel au droit des régions à l’économie et l’emploi pour appuyer le choix du gouvernement6. En prétendant développer le gaz pour offrir une alternative plus verte aux secteurs de l’industrie et du transport lourd, le gouvernement Couillard crée un mythe. Le gaz naturel n’est pas et ne sera jamais une énergie de transition à cause du méthane qu’il libère, un gaz à effet de serre plus puissant que le carbone (86 fois pendant les 20 premières années de sa libération dans l’atmosphère). Si on tient compte, comme on le doit, des émissions fugitives, le gaz naturel est plus nocif pour le climat que le mazout, le diésel et le pétrole. Jusqu’où faudra-t-il aller dans la destruction environnementale et les conflits sociaux avant qu’on commence à voir une véritable transition énergétique se mettre en place chez nous? Le moment est pourtant venu pour tous les acteurs de la société de voir la réalité en face : dans 10 ans il sera globalement trop tard.Louise MorandComité vigilance hydrocarbures de L’Assomption25 juillet 2017
2 http://www.fil-information.gouv.qc.ca/Pages/Article.aspx?aiguillage=diffuseurs&type=1&listeDiff=53&idArticle=2507258471
4 Citons depuis 2011, Dr Howarth (https://thetyee.ca/News/2014/05/23/Natural-Gas-Bridge-to-Nowhere/), Dr David Hughes (https://fr.scribd.com/document/55274994/Will-Natural-Gas-Fuel-America-in-the-21st-Century ), Dr Eleanor Stephenson (https://www.researchgate.net/publication/257126052_Greenwashing_gas_Might_a_%27transition_fuel%27_label_legitimize_carbon-intensive_natural_gas_development ), Dr Haewon McJeon (https://www.scientificamerican.com/article/natural-gas-offers-little-benefit-in-fight-against-global-warming/). Même de fervents promoteurs du gaz naturel perçoivent maintenant leur erreur : http://ieeexplore.ieee.org/stamp/stamp.jsp?reload=true&tp=&arnumber=7024505
6 http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/503990/la-transition-passe-par-l-acces-au-gaz-naturel