Le grand cirque politique du développement durable
Le grand cirque politique du développement durable
Incroyable mais vrai! Notre premier ministre Philippe Couillard vient d’être choisi par l’organisation Clean 50 «personnalité marquante de l’année pour le développement durable au Canada en 2016». Celui-là même qui ouvre les bras aux projets de transport du pétrole sale des sables bitumineux par pipeline, par train et par bateau sur le Saint-Laurent et dans la baie des Chaleurs pour l’exportation, vient d’être sacré champion d’une économie verte. Celui qui engage des millions de dollars de fonds publics pour subventionner l’industrie pétrolière et gazière et qui travaille à faire du Québec un nouveau carrefour de la liquéfaction du gaz de schiste en Amérique du Nord serait une icône du nouveau capitalisme durable!
Parmi les hauts faits mentionnés pour justifier cette nomination, on cite l’initiative de M. Couillard d’avoir réuni les premiers ministres des provinces et des territoires, le 14 avril dernier, pour un sommet sur le réchauffement climatique. Le fait que ces rencontres interministérielles, dont celle du Conseil de la fédération tenue à St-John’s (Terre-Neuve-et-Labrador) en juillet dernier, servent entre autres à faciliter la réalisation des grands projets d’infrastructures à travers le pays pour le développement des hydrocarbures mentionnés ci-dessus, ne semble pas ébranler la confiance des «Clean». Dans le club sélect des défenseurs du capitalisme as usual, il suffit de dire qu’on a l’intention de faire la lutte au réchauffement climatique pour être un héros.
M. Couillard est aussi reconnu comme un fervent promoteur d’une bourse du carbone. Le fait que l’insuffisance du système de plafonnement et d’échange du carbone pour lutter efficacement contre le réchauffement climatique soit avérée, notamment à cause du prix trop bas fixé pour le carbone, ne semble pas non plus ternir l’aura de notre premier ministre.
La nomination de M. Couillard, comme personnalité marquante du développement durable en 2016 des Clean 50, ressemble beaucoup à une opération de marketing. Notre premier ministre lui-même n’est pas avare de déclarations visant à faire croire à la population qu’il est l’homme de la situation pour conduire le Québec vers l’économie de l’avenir. Mais, contrairement aux paroles, les faits indiquent que les émissions de gaz à effet de serre (GES) chez nous et dans le reste du Canada continuent de grimper. L’électrification des transports se fait toujours attendre. Les projets de développement gazier et pétrolier à Anticosti, à Bécancour, à Montréal, à Saguenay, en Gaspésie et dans le golfe du Saint-Laurent, en plus de la cimenterie à Port-Daniel–Gascons qui fonctionnera au coke de pétrole, sont incompatibles avec la décarbonisation de l’économie.
Il est plus que temps que la classe politique québécoise et canadienne et les hauts dirigeants des grandes entreprises commencent à comprendre ce que signifie la crise climatique et ce qu’elle nous impose en fait de changements. Les scientifiques ont été très clairs à ce sujet. Il faut laisser les hydrocarbures dans le sol. Il faut rapidement plafonner nos émissions de GES et les réduire de façon draconienne au cours des dix prochaines années. Le temps des discours et des bonnes intentions est terminé. Il faut arrêter de faire semblant. Si les Clean 50 sont en manque de héros, ils auraient pu demander conseil au pape. Lui qui vient de recruter Naomi Klein pour conseiller le Vatican sur la lutte au réchauffement climatique. Naomi Klein vit à Toronto. Elle aurait été une personnalité hautement plus marquante que celle de notre pathétique premier ministre pour indiquer la voie du développement durable.
Louise Morand
Comité vigilance hydrocarbures de l’Assomption
25 septembre 2015