Une économie humaine pour éviter le «crash» de la civilisation
Dans son livre This Changes Everything: Capitalism vs. the Climate [3] édité en français en mars 2015 chez Lux Éditeur [4] sous le titre Tout peut changer: Capitalisme et changement climatique, l’auteure et journaliste canadienne Naomi Klein explique avec exactitude en quoi les changements climatiques et toutes les autres pressions exercées sur les environnements sont les conséquences d'un capitalisme amplifié par des politiques néo-libérales [5]!Gouvernements, industries et citoyens sont assujettis aux pressions d’une course effrénée à la croissance caractéristique de ce modèle économique insoutenable. L’environnement biophysique subit la surexploitation des ressources, et l’environnement social est victime de mesures inefficaces drainées par l’austérité qui ne fait que réduire la capacité novatrice en projetant plus de citoyens vers la pauvreté. L’humanité est entrée dans l’Anthropocène et son modèle économique propulse la civilisation vers sa faillite.Paradoxalement, on vise aveuglément la croissance. Dans un rapport [6], l’Agence internationale de l'énergie (AIE) a estimé que l'ensemble des pays devra investir 44 000 milliards de dollars d’ici 2050 pour limiter le réchauffement à 2 degrés afin d'éviter des changements climatiques qui coûteraient encore plus cher. Une récente étude économique [7] de Kepler Cheuvreux conclut que l'industrie pétrolière devra absorber une perte de 28 000 milliards de dollars suite à la réduction des combustibles fossiles.Ces dépenses de 72 000 milliards de dollars représentent 9863 dollars par personne à l’échelle mondiale! Et cette dette virtuelle ne vaut rien comparée à celle bien réelle de la dégradation de la planète qui soutient la vie à laquelle le capitalisme n’accorde aucune valeur!Si l'on assumait l’investissement de ces sommes dans les énergies renouvelables et le développement durable, elles rapporteraient 115 000 milliards d’économies, soit 15 753 dollars par personne! Mais ni le capitalisme ni le néo- libéralisme ne sont adaptés à ce genre de stratégies trop novatrices pour ces modèles primitifs de société.La croissance économique se poursuit avec les pires objectifs. Neuf limites à cette croissance ont été identifiées par des scientifiques depuis 2007 comme étant des frontières que la civilisation ne doit pas dépasser au risque de déstabiliser l’équilibre fragile de la planète [8].Selon une étude du Stockholm Resilience Centre [9], réalisée par 17 universitaires [10] et publiée en janvier 2015 dans Science [11], l’humanité a dépassé quatre des neuf limites de la planète [12]:
- Les changements climatiques avec une concentration de CO2 dépassant 400 ppm [13] alors qu’elle ne devrait pas dépasser 350 ppm.
- La perte de biodiversité rabaissée à 84% alors qu’elle devrait être de 90%.
- La pollution agricole avec des concentrations de 22 Tg (milliards de grammes) de phosphore et de 150 Tg d’azotedont les seuils sont de 11 Tg et 62 Tg.
- La déforestation dont la superficie a été réduite à 62% alors qu’elle doit être maintenue à 75%.
Deux limites sont dépassées occasionnellement: les émissions de microparticules et la dégradation de la couche d’ozone stratosphérique. Deux limites risquent d’être dépassées sans changements politiques et économiques: l’acidification des océans par l’absorption de CO2 et la consommation d’eau potable limitée à 4000 km3 par année (l’humanité consomme 2600 km3). Il reste une limite dont la capacité n’a pas été mesurée, celle des rejets de polluants organiques, radioactifs, microplastiques, nanomatériaux et autres substances industrielles.