Autant en emporte le vent
M. Laplante, de Ste-Croix, déplore le manque d'information des élus municipaux face aux impacts des projets éoliens sur leur territoire et le manque de démocratie dans l'implantation des projets.
Autant en emporte le vent
Après les complexes porcins et le gaz de schiste, voici venir le nouvel assaut dans le paysage rural agricole : les éoliennes. Le processus est similaire. Des promesses de richesse sans aucun fondement ni analyse autre que l’intérêt des promoteurs, des consultations bidon, la zizanie.
Agriculteur biologique dans le comté de Lotbinière, je suis témoin de l’enthousiasme maladif de la MRC pour l’implantation de plus de 18 gigantesques éoliennes sur le territoire, essentiellement sur les meilleures terres de la région, sinon de la province. Pour le promoteur Innergex, c’est du gâteau : des sites plats, accessibles, drainés, épierrés. La MRC a même modifié ses règlements pour permettre la construction de ces tours de plus de 200 m de hauteur à 3 mètres de distance des propriétés voisines. En somme, la même distance que votre voisin doit respecter s’il veut placer un cabanon pour ranger sa brouette et son calendrier que son épouse ne veut pas voir dans la maison.
Mais qui suis-je pour ainsi m’opposer à ces magnifiques projets de transition énergétique? Suis-je donc resté au stade cromagnonesque de consommation de pétrole? Le premier problème apparent dans cette logique simpliste réside d’une part dans le fait que, de façon globale, les énergies renouvelables ne remplacent pas le pétrole mais ne font que s’y ajouter. Personne n’a jamais réussi à construire ou même entretenir une éolienne sans pétrole. Le plastique employé, mais également les métaux, les lubrifiants, le cuivre pour le transport de l’électricité produite, tout repose sur l’utilisation du pétrole.
Je me permets ici de citer la présentation de l’ingénieur Jean-Marc Jancovici sur la consommation mondiale de l’énergie. Il est assez clair que les énergies d’origine fossile ne font l’objet d’aucune réduction, peu importe quelle autre source énergétique apparaît dans le décor.
Je croirai au scénario de la transition énergétique lorsqu’on me présentera au préalable un plan de réduction des sources d’énergie fossile. Sinon, ce n’est que du vent, au sens propre comme au figuré.
J’ajouterais que le Québec aurait grand intérêt à réduire sa consommation d’énergie au lieu de conclure avec nos voisins du sud des ententes de livraison d’électricité à bas prix sur des périodes de 30 ans. La construction d’éoliennes en zone agricole et habitée y perdrait sans aucun doute son intérêt. Et à propos, j’aimerais qu’on me présente quelqu’un qui, dans le contexte actuel, tiendrait mordicus au respect des ententes de livraison d’électricité à bas prix avec les États-Unis… Si j’y repense, j’en glisserai un mot aux 115 personnes qui ont perdu leur emploi récemment dans mon petit village en raison des sautes d’humeur de l’oncle Donald.
Diviser pour régner
Une vieille recette : traiter les habitants du milieu rural comme des citoyens de seconde classe. Des distances séparatrices de plus de 2 km pour ceux qui résident dans les villages ou les villes (en fait beaucoup plus parce qu’on considère le périmètre urbain), mais de l’ordre de 750 m pour la partie des résidences rurales, dont le fameux 3 m des lots voisins. Fini la tranquillité pour ceux qui circulent sur leurs terres. Avec en prime un bon nanane de 35 000$ par an et par éolienne pour celui qui en fait construire une sur ses champs, mais sans rien pour le voisin. Avec ce genre de projet, on ne fait pas qu’écorcher le paysage, on pourrit le climat social.
La privatisation des profits, la socialisation des dépenses
Dans le cadre de mon parcours du combattant pour comprendre le dossier, je suis allé rencontrer mon conseil municipal. Évidemment, j’avais raté la séance « d’information publique », aucune des trois municipalités où je paie des taxes n’ayant jugé pertinent de m’informer de la tenue d’un tel événement. Idem pour ma MRC. Je me suis donc pointé au conseil avec quelques questions, dont une sur un éventuel fonds de réserve en cas de faillite du promoteur. Qui devra payer si le meneur de projet disparaît et qu’il faut démanteler? Mon tracteur et moi? Mon conseil ne disposant d’aucune réponse, on me référa au conseil des maires, où je me rendis, deux fois, avec les mêmes questions. Je prends rendez-vous avec le directeur général, qui ne le sait pas plus. Il me semble pourtant qu’il s’agit d’un élément important. C’est quand même la communauté qui doit financer la moitié du projet, même si mon maire affirme haut et fort qu’il n’en coûtera pas un sou aux citoyens.
J’ai donc assisté aux deux séances publiques subséquentes. L’agent de liaison du promoteur ne sait rien à propos d’un éventuel fonds de réserve. J’obtiens finalement de la part du représentant officiel de l’entreprise l’aveu que s’il y a un problème, le gouvernement assure la garantie. En toute honnêteté, j’avoue que je m’y attendais.
Il en est allé de même avec le plan de financement, la totalité de mon conseil municipal faisant entièrement confiance à une quelconque entreprise comptable, sans en connaître les détails.
Dans tout ce processus, la phrase que j’ai entendue systématiquement, c’est : « Il faut avoir confiance ». Je ne sais pas pour vous, mais chez moi, ça provoque exactement le contraire.
Maxime Laplante,
agronome et agriculteur biologique