Une parodie de consultation sur l’énergie
Des responsables de plusieurs organisations dénoncent la parodie de tournée de consultations sur le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques (PGIRE), menée par la ministre de l'économie, l'innovation et l'énergie, Christine Fréchette.
Une parodie de consultation sur l’énergie
Nous sommes des citoyens et citoyennes qui avons récemment participé aux consultations sur le Plan de gestion intégrée des ressources énergétiques du Québec (PGIRE). Ces consultations doivent avoir lieu dans 13 villes, pour se terminer à Québec le 13 juin.
Rappelons que le PGIRE est au cœur du projet de loi 69, la Loi assurant la gouvernance responsable des ressources énergétiques et modifiant diverses dispositions législatives, de l’ex-ministre Fitzgibbon. Ce projet de loi, qui ouvre grande la porte à la privatisation des services énergétiques au Québec, est présentement à l’étude à l’Assemblée nationale.
L’enjeu du PGIRE est important puisque la manière d’utiliser nos ressources énergétiques a une incidence directe sur notre capacité à décarboner notre économie et à mener la lutte au changement climatique. Pourtant, l’annonce de la consultation n’a pas été rendue publique. Nous avons appris l’existence de cette consultation via les réseaux de communications entre les groupes citoyens actifs sur les questions environnementales. Une d’entre-nous a reçu l’invitation à participer moins de 24 heures à l’avance.
Dans leur discours d’ouverture la Ministre Fréchette (à Montréal ) et le député Yves Montigny (à St-Jean-sur-Richelieu) ont précisé le contexte de la consultation : le monde entier est en transition; nos ressources énergétiques doivent servir à cette transition, mais aussi au développement économique. Un peu comme si on disait à un médecin urgentologue que les gestes qu’il pose doivent servir à sauver des vies et enrichir l’industrie pharmaceutique.
Les participant.es à la consultation étaient réparti.es autour de 9 tables, selon leurs différentes affiliations : une table pour les municipalités, une pour l’industrie, une autre pour les groupes environnementaux, etc. Nous avons disposé d’environ 30 minutes pour discuter entre nous de chacun des deux enjeux proposés (Comment envisager la demande énergétique? Quelles orientations pour l’offre d’énergie?), et avons été invité.es à inscrire le plus lisiblement possible le fruit de nos échanges sur les feuilles généreusement mises à disposition sur chacune des tables. Les élus présents dans la salle circulaient entre les tables pour prêter une oreille bienveillante aux discussions.
À la fin de l’exercice, une personne par équipe devait résumer en 8 à 10 minutes les propositions. Après les résumés, madame la ministre ou monsieur le député commentaient les idées émises : « J’entends que vous proposez d’éliminer le gaz des bâtiments,…etc. » Mais de toute évidence, le temps alloué était trop court pour discuter sérieusement ne serait-ce que sur le quart des propositions. Heureusement, les organisateurs se sont faits rassurants en nous invitant à remettre nos feuilles de notes aux responsables de la consultation à la fin de la rencontre. Disons qu'il est plutôt cocasse d’imaginer le personnel du MEIE penché sur des notes manuscrites jetées pêle-mêle sur des feuilles de papier pour en retranscrire le contenu et en faire un rapport. Si rapport il y a, et pour qui...
Il ne fait donc pas de doute qu’avec sa tournée de consultations sur le PGIRE, le gouvernement Legault veut montrer qu’il est fidèle à sa promesse, lancée lors de son élection de 2022, de tenir un grand débat de société sur les enjeux énergétiques. Mais la démonstration s’avère bien peu convaincante.
Le Québec possède pourtant une longue expérience de consultations publiques. En s’inspirant des procédures du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), la ministre Fréchette aurait pu annoncer publiquement ces consultations plusieurs semaines avant le début des audiences, de manière à permettre aux participant.es de se préparer. Le cadre et les enjeux de la consultation auraient été soumis à l’examen pour être bonifiés selon les expertises disponibles. Les documents de la consultation auraient été bien étayés et accessibles à tous. Les participant.es auraient été bien identifié.es et invité.es à transmettre leurs questions et recommandations par écrit, sous forme de mémoire, ou oralement, en s’adressant à une commission indépendante. Celle-ci aurait été chargée de faire rapport au gouvernement. Et toutes les présentations orales, tous les mémoires ainsi que le rapport de la commission auraient ainsi été publics et faciles d’accès.
Avec cette parodie de consultation sur le PGIRE qui se déroule présentement, le gouvernement Legault s’assure de demeurer en contrôle du message qui sera livré à la fin de l’exercice. Même si la ministre Fréchette a annoncé que les citoyen.nes pourront faire part de leurs recommandations en ligne et que le scénario du fameux PGIRE sera soumis à la discussion avant d’être adopté, tout est déjà en place pour éviter qu’ait lieu un véritable débat de fond sur la manière de nous affranchir des énergies fossiles et de limiter les impacts des différentes filières énergétiques sur le climat, l’environnement, la biodiversité, l’économie et les communautés.
Les groupes de la société civile et les experts ont été, et sont encore, nombreux à réclamer l’abandon ou le report du projet de loi 69 tant et aussi longtemps qu’une véritable discussion ouverte sur l’énergie du Québec ne sera pas menée dans le cadre d'une commission indépendante. Ce simulacre de consultation sur le PGIRE n’a rien pour nous satisfaire. Force est de constater que nous sommes encore loin de la ligne de départ.
Louise Morand, L’Assomption en Transition
Katherine Massam, Mouvement d’Action Régional en Environnement
Émilie Laurin-Dansereau, ACEF du Nord de Montréal
Jacques Tétreault, Secrétaire de Solidarité populaire Richelieu-Yamaska
Gilles Cazade, Président du syndicat des spécialistes et professionnels d’Hydro-Québec
Jean-Philippe Waaub, Collectif scientifique sur les enjeux énergétiques au Québec