C’est à nous?
M. Montpetit de La Présentation questionne les affirmations d'une pub d'HQ où on nous dit que «C'EST À NOUS». L'adoption sous bâillon du projet de loi 69 ouvre la porte à la privatisation de notre fleuron national.
C'est à nous?
« QU’EST-CE QU’ON FAIT FACE À UN MONDE QUI BASCULE? » proclame une publicité de 30 secondes d’Hydro-Québec que l’on voit à répétition à la télé. La prise de vue nous montre la chevelure de cette femme qui fait un 180 degrés pour que le téléspectateur puisse enfin réaliser que celle-ci est debout sur une structure pour affirmer que « C’EST À NOUS », puis le zoom arrière révèle progressivement qu’elle est debout sur la nacelle d’une éolienne située dans un champ d’éoliennes.[1] Accompagnée de messages rassurants pleins de gros bon sens, cette image impressionnante peut donner le vertige, au propre comme au figuré! Mais cette image correspond-elle à la réalité?
C’est vrai qu’on « FAIT FACE À UN MONDE QUI BASCULE ». Les changements climatiques nous en font voir de toutes les couleurs. Présentement, la fumée des feux de forêt du Manitoba et de l’ouest canadien diminue la qualité de l’air aux États-Unis et même ici, à Montréal. La politique du « drill, baby, drill » du président Trump exacerbe ces changements alors que sa guerre tarifaire a complètement changé la donne économique du Canada et du monde entier. Sans les extravagances quotidiennes en provenance de « la maison de fous » d’outre-frontière, les résultats de l’élection du 28 avril auraient été impensables. Oui, il faut s’adapter! C’est pourquoi, depuis trois ans, de nombreux groupes réclament à cor et à cri un BAPE générique pour un dialogue véritable entre tous les acteurs de la société pour faire face à cette crise climatique. Pour parvenir à une véritable transition énergétique, il faut plus que de belles paroles ronflantes déconnectées de la réalité!
Du toit de sa nacelle d’éolienne, la narratrice affirme que « C’EST À NOUS! » . C’est faux! Depuis le tournant du 21esiècle, l’énergie éolienne est le résultat d’appels d’offres d’Hydro-Québec, qui ont reçu l’approbation du conseil des ministres. Ce sont des compagnies privées telles Innergex, Hydroméga, EDF, Invenergy, Boralex et tutti quanti qui sont sorties vainqueurs de la presque totalité des appels d ‘offres, le tout bien assaisonné de contrats très, très avantageux pour elles. Donc, ces champs d’éoliennes ne sont pas à nous; ils sont la propriété des actionnaires de ces compagnies.
Certes, il y a quelques mini-exceptions qui prouvent la règle qu’au Québec, l’éolien, c’est le domaine exclusif du privé. La MRC de Sorel, quelques Nations autochtones, et la Coopérative Saint-Jean-Baptiste de Rouville ont pu avoir le privilège de gagner un appel d’offres.[2] Lors de l’AGA de la Coop en 2024, j’ai posé la question suivante : « Pourquoi la Coop s’est-elle associée à Boralex à hauteur de 50%? » On m’a répondu que la Coop est un distributeur d’électricité, pas un producteur. Par conséquent, pour gagner l’appel d’offres, il fallait s’associer avec une compagnie qui a une expertise dans la production d’électricité. Contrairement à une compagnie privée, une coop a le souci du mieux-être communautaire. Pourtant, dans cette situation rarissime par rapport à l’ensemble du dossier éolien, la narratrice de la pub devrait dire « C’est à nous à 50% ».
Boralex a également construit la « Centrale T-D-Bouchard » au centre-ville de Saint-Hyacinthe. Cette mini-centrale de 2,5 MW a été revendue à la compagnie ontarienne Algonquin Power. Télesphore-Damien Bouchard, en 1944, et René Lévesque, en 1962, ont nationalisé notre énergie électrique pour que les membres de notre société puissent devenir « Maîtres chez nous ». Pourquoi donner le nom du père fondateur d’Hydro-Québec à une compagnie privée non-québécoise! Est-ce que l'utilisation erronée du nom de « T-D-Bouchard » par Algonquin Power se veut une insulte à la mémoire du père fondateur de la nationalisation de l'électricité? Est-ce que la narratrice sur la nacelle pourrait nous expliquer pourquoi les mini-centrales, dont « T-D-Bouchard », ne sont pas à nous?
Le projet TES en Mauricie, les mini-centrales et l’éolien sont presqu’exclusivement l’apanage du privé. Donc, contrairement à ce que dit la pub, ces projets ne nous appartiennent pas. Présentement le projet de loi 69 (PL 69) est en train de finaliser cet état de chose avec un fouillis de quelque 55 amendements présentés à la dernière minute à la commission parlementaire. Sans le PL 69, le projet TES Mauricie serait probablement illégal. Des groupes et des partis politiques d’opposition tentent « d’empêcher le gouvernement de la CAQ d’imposer une réforme malavisée du secteur de l’énergie en forçant l’adoption par bâillon du projet de loi 69. Avec des amendements de dernière minute dont il ne maîtrise pas les impacts, le gouvernement de la CAQ s’attaque au pacte québécois sur l’électricité ».[3]
Le bâillon, c’est la version politique de « fermez vos gueules »; c’est le contraire d’une discussion ouverte au sujet de la transition énergétique exigée par les groupes environnementaux et les partis d’opposition. L’adoption du PL 69 forcerait les pères du « Maîtres chez nous » à se retourner dans leur tombe. Lorsque la narratrice de la pub affirme que « PERSONNE PEUT NOUS L’ENLEVER », encore une fois, elle ment; le PL69 adopté sous bâillon accomplit cette odieuse dépossession.
Gérard Montpetit
La Présentation
le 6 juin 2025
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1] pub de HQ; https://www.youtube.com/watch?v=3_oC3q3TAPM
2] https://www.eolienmonnoir.com/_files/ugd/6f6656_c1c9532831214c398fb2498412497c35.pdf