Dilemme: énergie sale aujourd’hui, ou sale climat demain

M. Montpetit de La Présentation constate que Messieurs Carney et Legault font face à un dilemme; soit augmenter la production du « sale pétrole » albertain soit nous protéger du sale climat de demain.

Dilemme: énergie sale aujourd’hui, ou sale climat demain

Au lendemain de son élection de 2018, le Premier ministre du Québec, M. Legault, avait déclaré qu'il renonçait à l'oléoduc Énergie Est parce qu'il n'y avait pas d'acceptabilité sociale pour le transport de « l’énergie sale » de l'Alberta. L'expression avait fait sourciller les partisans de l'industrie pétrolière![1] Le manque d’acceptabilité sociale, les dangers pour nos cours d’eau, le manque de retombées économiques pour le Québec ainsi que l’aggravation de la crise climatique furent les arguments décisifs pour mettre fin à Énergie Est ainsi qu’au projet de gazoduc qui devait aboutir sur les rives du Saguenay. La fin de ces deux projets était un pas dans la bonne direction dans le très nécessaire combat pour réduire la production des gaz à effet de serre (GES), responsables des changements climatiques.

Hélas! Le nouveau Président Trump s’est lancé dans une politique agressive de « drill, baby, drill » niant complètement la réalité climatique tout en déclenchant une guerre tarifaire contre ses alliés. Devant ce danger pour notre économie et notre indépendance politique, le nouveau Premier ministre, M. Carney, propose de recentrer notre économie en construisant rapidement de grands projets, dont des pipelines.

Face à une possible résurrection des pipelines, M. Legault hésite et reste « ouvert » à l’idée.[2] Pour prendre une décision éclairée, il faut se recentrer sur certains faits fondamentaux. Quels objectifs visons-nous en élaborant ces projets « d’intérêt national »? Dans l’immédiat, Trump nous pose de sérieux problèmes, mais dans 42 mois, son mandat prendra fin alors que le reste du monde continuera à évoluer vers les énergies renouvelables. Les pays qui auront pris les mauvaises décisions seront à la remorque des pays ayant compris que la présente transition vers l’avenir se joue dans les énergies renouvelables.

À long terme cependant, comme les changements climatiques seront de plus en plus graves, en limiter les dommages doit être notre premier objectif. Malgré le brouhaha venu d’outre-frontière jumelé à une promotion effrénée du lobby pétrolier, il faut se demander si le plan d’affaire des pipelines est économiquement viable dans les marchés mondiaux alors que tous les indicateurs nous disent que le « pic pétrolier » est à nos portes.

De nombreux pays ont des plans sérieux pour interdire la vente de véhicules à combustion d’ici 2035. La Chine, grand concurrent des États-Unis, avance à grands pas pour se sevrer des énergies fossiles. Les Chinois sont les champions de la production de panneaux solaires peu dispendieux. Si des pays comme le Pakistan adoptent l’énergie solaire, ce n’est pas par souci écologique; c’est devenu un choix strictement économique car cette énergie renouvelable est moins dispendieuse que les énergies fossiles. [3] De plus, la flotte chinoise de véhicules électriques (pensons à la marque BYD) est tellement performante et peu dispendieuse que le marché nord-américain de l’automobile doit faire appliquer des droits douaniers de 100% avec l’aide de Messieurs Trump et Carney; notre industrie automobile est déclassée sur le plan économique et technologique. L’an passé, la Chine a produit 12,4 millions de véhicules électriques (VE) alors que l’Union européenne en a construit 2,4 millions. Tous ces VE réduiront la consommation mondiale de pétrole.[4]

Enfin, le pétrole WCS (Western Canadian Select) est beaucoup plus couteux à extraire et à raffiner que le pétrole de la région du golfe persique. Les experts, dont l’Agence internationale de l’énergie (AIE), prévoient que le « pic pétrolier »arrivera d’ici la fin de la décennie. Avec « l’affaiblissement de la demande », les prix du brut risquent de s’effondrer.[5] Avec une demande mondiale beaucoup plus faible, c’est le pétrole le plus dispendieux comme le WCS qui écopera en premier, ce qui par conséquent rendra cet oléoduc désuet!

Pour les individus comme pour les nations, la maturité consiste à éviter de refaire les mêmes erreurs. Pour favoriser la production de pétrole WCS, le gouvernement de M. Trudeau a acheté l’oléoduc Trans Mountain au montant de 4,5 milliards de dollars et a ajouté un autre 30 milliards pour en tripler la capacité. Sur le plan financier, cette aventure était inacceptable pour les compagnies pétrolières; ce sont donc les contribuables qui doivent payer pour ce fiasco financier! Une erreur de ce genre, ça suffit! [6]La Loi sur l’unité de l’économie canadienne (projet de loi C-5) se veut une réponse aux menaces économiques et politiques d’outre-frontière. Nous croyons qu’il faut nous affranchir de l’économie américaine, mais sans jeter le bébé avec l’eau du bain. La résurrection des pipelines est une mesure opportuniste qui ne tient pas la route sur le plan financier, qui aggrave la catastrophe environnementale et qui piétine les droits des nations autochtones. En septembre 2015, le gouverneur de la banque d’Angleterre, un certain Mark Carney, mettait en garde les assureurs de la Lloyd’s de Londres contre les risques financiers liés aux changements climatiques et leur signalait la nécessité d’une économie à faible intensité de carbone.[7]

Prendre la bonne décision est un enjeu capital pour notre avenir. Dans la compétition avec la Chine pour le premier rang économique de la planète, même les États-Unis n’échappent pas à cette logique implacable. En misant le tout pour le tout sur le pétrole, le Président Trump réussira-t-il son pari du MAGA (« Make America Great Again ») ou aura-t-il, par cette politique d’un autre siècle, condamné son pays à devenir dans dix ans un « HAS-BEEN Country », c’est-à-dire un pays dépassé technologiquement et économiquement à cause de ses mauvaises décisions? Au nord du 45e parallèle, espérons que le Premier ministre Carney, le Premier ministre Legault et leurs homologues provinciaux mettront en pratique les sages conseils de l’ancien gouverneur de la banque d’Angleterre!

Gérard Montpetit

La Présentation

le 27 juillet 2025

1] https://www.lesoleil.com/2018/12/07/oleoducs-francois-legault-ne-veut-pas-denergie-sale-088695b37ff296ed6517f22fcba11f0a/

2] https://www.journaldequebec.com/2025/07/22/legault-ouvert-a-un-projet-de-pipeline-si-les-retombees-sont-au-rendez-vous

3] https://www.nationalobserver.com/2025/07/23/news/renewables-solar-energy-pakistan?

4] https://www.iea.org/reports/global-ev-outlook-2025/trends-in-the-electric-car-industry-3

5] https://www.netzeroinvestor.net/news-and-views/iea-global-oil-demand-will-peak-before-2030

6] https://www.nationalobserver.com/2025/06/10/analysis/trans-mountain-pipelines-cost-taxpayers-canada?

7] https://www.youtube.com/watch?v=V5c-eqNxeSQ

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