Du pétrole à Anticosti?

Du pétrole à Anticosti?

Il semble y avoir du pétrole de schiste à Anticosti (1). Tout comme il semble y avoir du gaz de schiste dans les basses-terres du Saint-Laurent.

Bien des citoyens, comme moi, s’opposent à leur exploitation. Pourquoi?

Pourquoi refuser ce qui semble offrir au Québec une façon de développer son autonomie énergétique? Pourquoi refuser ce qui semble pouvoir créer de l'emploi dans une île sous-équipée?

Les réponses se situent à plusieurs niveaux.

Le premier niveau est d’ordre planétaire. Les signaux du changement climatique sont tous au rouge. Les experts s’entendent pour dire que la majorité des hydrocarbures fossiles doivent rester dans le sol si nous voulons freiner le dérèglement du climat. En plus, il s’agit ici de ressources non conventionnelles (pétrole et gaz de schiste) dont l’exploitation cause des émissions de gaz à effet de serre encore plus importantes que dans le cas des hydrocarbures conventionnels. C’est notre responsabilité à l’égard de l’ensemble de l’humanité qui est en jeu. Même le Fonds monétaire international (2) met en garde contre la poursuite des investissements dans les hydrocarbures!

Le deuxième niveau se situe à notre échelle géographique et politique. Plusieurs aspects sont à considérer.

Sur le plan économique, une étude comme celle de Marc Durand (3) montre que l’exploitation du pétrole d’Anticosti, loin d’être le pactole, serait plutôt un gouffre financier qui engloutirait des milliards de dollars de fonds publics (nos impôts, qui seraient mieux employés à d’autres fins, notamment en recherche-développement sur les énergies renouvelables, les économies d’énergie, l’électrification des transports, la biométhanisation, l’appui aux régions éloignées, entre autres).

Sur le plan environnemental, le forage de puits et l’installation des plateformes de production, la fracturation avec ses effets secondaires (consommation et pollution d’énormes quantités d’eau, risques sismiques), la construction de routes et l’installation de pipelines causeraient la dévastation de vastes étendues de l’île. L’aménagement d’un port pour transporter le pétrole hors de l’île, dans une zone connue pour les dangers de la navigation, et l’augmentation du trafic maritime dans le milieu fragile du golfe du Saint-Laurent ajoutent au danger de l’ensemble du projet.

Sur le plan de notre autonomie énergétique, un tel projet est une aberration. Nous disposons déjà d’une très grande richesse avec l’hydroélectricité. Le solaire et l’éolien ont été négligés ou mal gérés jusqu’à maintenant, alors qu’ils offrent beaucoup de potentiel à petite échelle, tout comme la biométhanisation, notamment dans les régions éloignées. C’est un fait que nous allons avoir encore besoin de pétrole pendant longtemps, mais la priorité doit être de réduire notre consommation de cette ressource, et non d’en augmenter la production.

Mais, me direz-vous, et l’emploi? Et les habitants d’Anticosti, qui souhaitent voir se développer sur leur île des activités lucratives et surtout des possibilités d’emploi? Pétrolia annonce la création de 90 emplois. Qui va occuper ces emplois? Combien de temps peuvent-ils durer? Ne vaudrait-il pas mieux pour les Anticostiens envisager un développement à échelle humaine, misant sur les ressources renouvelables de l’île?

Je serais ravie que mes impôts, au lieu d’aller dans la poche des compagnies pétrolières et gazières, servent à subventionner l’aide à une réelle autonomie énergétique à Anticosti (panneaux solaires, éoliennes, utilisation de la biomasse), au développement du tourisme et d’une agriculture vivrière, et à d’autres projets inspirants – je suis sûre que les idées ne manquent pas chez les gens qui veulent continuer à vivre sur leur île. Apportons-leur cette aide au lieu de les embarquer dans un projet pétrolier dévastateur et sans avenir.

Denise Campillo

Roxton Falls

Membre du RVHQ

1) http://hydrocarbures-anticosti.com/imports/medias/documentations/2015-05-21-maj-rapport-sproule.pdf

2) http://www.ledevoir.com/environnement/actualites-sur-l-environnement/440390/les-energies-fossiles-drainent-5300-milliards-en-fonds-publics-par-an-estime-le-fmi

3) http://ici.radio-canada.ca/nouvelles/politique/2015/05/21/001-anticosti-ile-petrole-forage-hypotheses-quebec.shtml

Denise Campillo

Artiste-peintre de renom établie à Roxton-Falls, en Montérégie, Denise Campillo contribue de multiples façons à la lutte aux changements climatiques, notamment par son engagement à titre d’adhérente au RVHQ.

Née en Algérie en 1949, Denise Campillo a grandi et étudié en France, puis a immigré au Canada en 1974. Elle vit depuis 1980 au Québec, où elle a pris racine.

Issue d’un milieu modeste mais valorisant l’étude, les sciences et les arts, sa famille l’a poussée vers l’université où elle a obtenu des diplômes en langue et littérature anglaises, en enseignement, en traduction. Elle a enseigné à divers niveaux et fait carrière en traduction scientifique.

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