La transition énergétique selon l'IÉDM
M. Gérard Montpetit de La Présentation croit que la transition énergétique doit être basée sur l'électricité propre et non sur le gaz naturel du Québec comme le suggèrent des membres de l'IEDM (Institut économique de Montréal).
La transition énergétique selon l'IÉDM
Lorsque Messieurs Miguel Ouellette et Gabriel Giguère de l'Institut économique de Montréal (IÉDM ) m'accusent d'un « puritanisme écologique » dans un texte publié dans Le Devoir du 31 mars, ils interprètent la notion de « transition énergétique » jusqu'à la limite de la facétie. S'ils avaient pris la peine de lire — et d'approfondir — mon texte publié le 29 mars, ils auraient compris que la guerre en Ukraine pourrait servir à accélérer une transition des énergies fossiles vers des énergies sans carbone. De plus, leur affirmation selon laquelle le gaz naturel est « une énergie de transition » relève d'une méconnaissance du dossier, particulièrement lorsqu'il s'agit de gaz non conventionnel.
Dès le premier paragraphe, leur argumentaire déraille. Loin d'être « peu humaniste », j'ai écrit qu'il était peu réaliste de tenter de développer des infrastructures qui ne peuvent être prêtes que plusieurs années après que la guerre de M. Poutine sera terminée. Et puis, il y a cette petite perle: « ...la nécessaire transition énergétique mondiale dans laquelle le Québec, avec son gaz naturel, peut et doit jouer un rôle important ...». Avec sa baguette magique, la fée des étoiles aurait-elle transformé nos barrages hydro-électriques en d'immenses « réserves de gaz naturel »? N'en déplaise à la pensée passéiste des ténors de l'IÉDM, l'énergie de transition est et sera l'électricité produite sans énergies fossiles! Le rôle du Québec est dans l'électricité! Si nous acceptions d'aller vers le gaz tel que ces messieurs nous le proposent, ce serait, malheureusement, un retour en arrière. Même les quelque 20 000 puits de gaz de schiste proposés par l'Association pétrolière et gazière du Québec (APGQ) en 2010 ne sauraient permettre « un rôle important » sur les marchés internationaux.
Si ces messieurs veulent citer l'Agence internationale de l'énergie (AIE), il faudrait le faire selon l'esprit des dernières communications de cette organisation. Le 18 mai 2021, l'AIE a affirmé qu'il faut arriver à une carboneutralité nette avant 2050; en conséquence, ces sommités affirment que tous les gouvernements de la planète doivent cesser de donner le feu vert aux nouveaux projets d'énergies fossiles et gérer un ralentissement ordonné (wind down) des activités qui produisent et utilisent des énergies fossiles. Pour aider les pays européens victimes de leur dépendance au gaz russe, l'IÉDM propose de construire des infrastructures qui ne seront opérationnelles que dans trois, possiblement cinq ans. Au contraire, l'AIE est assez réaliste pour proposer 10 actions qui combleront (du moins partiellement) le déficit énergétique de l'Europe d'ici 4 mois. Je remets ces liens qui étaient dans mon dernier texte. Cette fois, j'espère que ces « idéologues » du gaz naturel prendront le temps de lire ce que les experts mondiaux proposent sur ce sujet!
Face à l'urgence climatique, Messieurs Ouellette et Giguère tentent de nous vendre le gaz naturel comme la meilleure énergie de transition qui soit. Il est vrai que lors de la combustion, le gaz naturel a une empreinte carbonique moins élevée que le charbon et le pétrole. Mais lorsqu’on tient compte du cycle complet du gaz naturel, de l’extraction à la combustion, il en est tout autrement. Sauf le biogaz issu du procédé de biométhanisation, le gaz conventionnel demeure une énergie fossile qui dégage du CO2. Quant au gaz non conventionnel (de schiste), si on calcule son empreinte totale, incluant le transport de millions de litres d'eau, et toute l'énergie requise pour faire fonctionner les machines nécessaires pour forer, puis fracturer des tonnes et des tonnes de roche-mère, sans oublier les émissions fugitives, il serait plus polluant que le charbon selon des chercheurs indépendants (c'est-à-dire qui ne sont pas à la solde de l'industrie).
Au Québec, les formations géologiques exigent l'utilisation de la très controversée technique de la fracturation hydraulique. Ce procédé est très inefficace car il est incapable de récupérer plus de 20 % du gaz. De plus, ces puits s'épuisent très rapidement. Présentement, dans les canalisations d'Énergir (ex-Gaz Métro), moins de 2 % est du biogaz, c'est-à-dire le seul gaz qui est renouvelable, donc acceptable dans le cadre de l'urgence climatique.[9] Pour le reste, entre 20 % et 30 % est du gaz conventionnel, de sorte qu’il y a entre 70 % et 80 % de ce combustible fossile qui est du gaz de schiste. Pourquoi ces messieurs de l'IÉDM proposent-ils une transition vers une énergie qui est aussi polluante, sinon plus, que le charbon?
Faute d'espace, je ne peux pas relever toutes les inepties de cette lettre. Mais je suis prêt à poursuivre un dialogue par lettres ouvertes. Une telle controverse publique serait utile pour que le public comprenne les vrais enjeux, surtout en période préélectorale. Pourtant, sur un point, je suis d'accord avec la conclusion de Messieurs Ouellette et Giguère : « La transition énergétique est nécessaire—et souhaitable ». Malgré l'horreur de la guerre en Ukraine,[11] à long terme, les changements climatiques sont encore plus menaçants. [12]
Nous sommes en 2022. La « nécessaire- et souhaitable » transition énergétique doit se faire vers l'électricité propre, celle de l'avenir. Ces messieurs de l'IÉDM proposent une transition énergétique vers une énergie fossile du passé.
Gérard Montpetit
Membre du CCCPEM(Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnemnt maskoutain]
le 3 avril 2022