Le choix des consommateurs
M. Gérard Montpetit, de La Présentation, dénonce un groupe d'influence (think tank) européen qui banalise la présence de pesticides dans notre eau potable.
Le choix des consommateurs
Quelle ne fut pas ma surprise de lire dans la rubrique « Forum » du Courrier de Saint-Hyacinthe qu'un analyste du Consumer Choice Center nous réprimande parce que nous nous questionnons au sujet du taux anormalement élevé de pesticides dans l'eau potable de Saint-Hyacinthe.[1] Après 2 lettres ouvertes de ma part traitant de ce sujet [2] et une de M. Renard, voilà que M. Wirtz, du Luxembourg, minuscule pays aux confins de l’Allemagne et de la France, prend la peine d'envoyer un message de l'autre côté de l'Atlantique pour répondre à une « opinion du lecteur » dans l'hebdo d'une petite ville de 60 000 habitants. Bizarre!
Selon M. Wirtz, l'Europe « est le seul bloc réglementaire au monde qui applique systématiquement le «principe de précaution» à sa réglementation alimentaire ». Un lien YouTube va dans le même sens.[3] Ici comme ailleurs, s'opposer au principe de précaution me semble téméraire; mon père disait souvent « mieux vaut prévenir que guérir ». En tapant « Consumer Choice Center » dans un moteur de recherche, j’apprends que cette organisation reçoit des fonds des transnationales du tabac et qu'elle s'oppose aux réglementations qui limitent l'utilisation du tabac aux États Unis et dans l'Union européenne.[4] Y aurait-il un lien entre une organisation qui s'oppose à une réglementation sévère contre le tabac et l'utilisation de pesticides sans égard pour le principe de précaution?
Selon le « Climate Disinformation Database » de DeSmog Blog, le Consumer Choice Center (CCC) proclame qu'il veut donner plus de pouvoir (to empower) aux consommateurs de la planète. Mais pour une organisation qui prétend vouloir aider les consommateurs, il est difficile de comprendre pourquoi elle ne recueille pas des fonds du public, alors qu'elle accueille à bras ouverts les dons des grandes corporations et des magnats du pétrole.[5] Mais ce n'est pas le seul secteur où le CCC s'implique. Dans la Chronique Agora du 8 septembre 2022, M. Bill Wirtz signe un texte où il est écrit: « L’Europe et les États-Unis devraient mettre en veilleuse toutes leurs ambitions en matière de climat, raffiner davantage de pétrole et coopérer pour l’acheminer rapidement et efficacement. »[6]
Quel est le lien commun entre les cigarettiers, les manufacturiers de pesticides et l'industrie pétrolière? Ce dénominateur commun semble être la réglementation qui met des balises aux utilisateurs de produits néfastes pour la santé des êtres vivants et de la planète. Et le Consumer Choice Center s'oppose farouchement à toute réglementation qui serait basée sur le principe de précaution.
Certes, le principe de précaution est un geste politique qui impose des balises aux manufacturiers et aux utilisateurs de produits dangereux pour la santé. Oui, j'avoue, ces balises peuvent avoir des effets négatifs sur la marge de profit. Mais quel est le coût d'un cancer? Ce n’est pas une statistique dans une colonne de chiffres; c’est lorsque que ton médecin s'assoit derrière son bureau, te regarde droit dans les yeux et t'annonce un diagnostic qui met ton existence en jeu!
Pendant des décennies, les cigarettiers ont farouchement nié le lien entre le tabac et le cancer du poumon; en fin de compte, ce lien a été prouvé sans équivoque dans les cours de justice sur la base de données scientifiques indiscutables. Le 27 octobre dernier, le Washington Post publiait un article de fond faisant ressortir une statistique troublante. Les six États du « corn belt » ont un taux anormalement élevé de cancers chez les moins de 50 ans. Les citoyens de ces six États producteurs de céréales utilisent plus de glyphosate et autres pesticides que le reste des USA.[7] De plus, le puissant lobby des pesticides entretient souvent une relation très discutable avec les agences gouvernementales.[8] Malgré l'opposition acharnée des Monsanto de ce monde, est-ce que le lien entre pesticides et maladies graves est en train de devenir aussi solide que dans le cas des cigarettes?
Le Consumer Choice Center affirme qu'il milite pour que les consommateurs aient le choix. N'en déplaise à M. Wirtz, pour faire un choix éclairé, le citoyen doit connaître tous les avantages et inconvénients, sinon il joue à la roulette russe. Une réglementation fondée sur le principe de précaution, mais qui devrait être encore plus sévère, limite inadéquatementla quantité de pesticides qui se retrouvent dans notre eau potable. M. Wirtz peut-il nous dire si les 60 000 citoyens de Saint-Hyacinthe ont le choix de boire, ou non, l'eau qui sort du robinet et qui contient des produits possiblement cancérigènes?
Si M. Wirtz veut nous faire l'honneur de traverser l'Atlantique pour nous visiter en terre maskoutaine, je lui offrirai un verre de « Yamaska frappée » avec une cigarette. Il aura le choix, d'accepter ou de refuser mes cadeaux. Après tout, il faut bien mourir de quelque chose!
Gérard Montpetit
La Présentation, Québec.
Le 8 décembre 2025
1] https://lecourrier.qc.ca/pesticides-le-probleme-des-normes-europeennes/
2] https://rveq.ca/replique-opinions/la-question-de-la-semaine-en-priode-lectorale
3]https://youtu.be/WQLVoZxZ29Q?si=Ec3kRlwE1xGOBaTH
4]https://www.tobaccotactics.org/article/consumer-choice-center/
5] https://www.desmog.com/consumer-choice-center/
7] https://www.washingtonpost.com/health/2025/10/27/young-cancer-iowa/

