Un Québec vert?

UN QUÉBEC VERT?

Dans la revue National Geographic, j’ai eu la surprise et le plaisir de découvrir dans le numéro de novembre 2015, consacré aux changements climatiques sous le titre évocateur Cool it, une page de publicité payée par le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques : QUÉBEC IN ACTION AGAINST CLIMATE CHANGE.De belles photos, de beaux textes, une belle déclaration de notre premier ministre, M. Couillard (ma traduction) : « La lutte contre les changements climatiques est un défi, mais c’est aussi l’occasion de développer une économie plus sobre en carbone. »Pour paraphraser Gilles Vigneault : Voilà le Québec qu’on aime!En avril 2015, le gouvernement du Québec recevait ses homologues provinciaux pour le Sommet sur les changements climatiques. Dans leur déclaration communei, les premiers ministres s’engagent notamment à soutenir le développement et l’utilisation des technologies nécessaires à la transition vers une économie plus sobre en carbone et à mettre en œuvre des politiques visant à réduire les émissions de GES, notamment par l’amélioration de l’efficacité énergétique et la conservation de l’énergie, et par l’utilisation d’énergies propres et renouvelables.Voilà le Québec qu’on aime!Dans la Stratégie gouvernementale de développement durable 2015-2020ii, M. Couillard déclare :« La lutte contre les changements climatiques est un défi majeur […]. Le gouvernement du Québec […] a choisi d’en faire une priorité […]. Nous avons mis en œuvre un plan de développement économique […] qui fait en sorte que les actions posées maintenant donneront aux générations futures la liberté de prendre leurs propres décisions. […] Cette vision à long terme doit être partie prenante de chaque geste que nous posons. »Voilà le Québec qu’on aime!Enfin! Après le régime de Stephen Harper, décennie de noirceur pendant laquelle le Canada s’est enfoncé dans le bourbier de la pétroéconomie, allons-nous pouvoir avancer dans la lutte contre les changements climatiques? Selon le GIEC, il est techniquement et financièrement possible de relever ce défi, mais il faudra renoncer aux deux tiers des réserves fossiles connues à ce jour, donc non seulement laisser dans le sol les réserves connues, mais investir ailleurs que dans l’exploration et la recherche de ressources fossiles potentielles.Or le gouvernement du Québec a entrepris une vaste démarche de consultation publique sur la mise en valeur et le transport des hydrocarbures.Adieu notre beau Québec vert!Le ministre Pierre Arcand juge cohérent de lancer le Québec dans l’exploitation du pétrole et du gaz tout en s’engageant à lutter contre les changements climatiques, deux objectifs absolument contradictoires. Où est la cohérence? Probablement ailleurs, dans la politique d’un gouvernement qui sabre dans les budgets en santé, en éducation et dans les services sociaux pour mieux investir dans des projets risqués et sans avenir comme les hydrocarbures.

Dans la démarche du Plan gouvernemental sur les hydrocarburesiii, le gouvernement dit vouloir favoriser le développement économique du Québec et de ses régions. Pour cela, il examine notamment les projets d’oléoducs Énergie Est et Enbridge 9B qui visent à désenclaver l’Alberta et favoriser ainsi l’exploitation des sables bitumineux. Belle cohérence! Au lieu d’inciter l’Alberta à diversifier son économie, au lieu de développer chez nous les secteurs visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre, c’est en avant toute vers la pétroéconomie!

Et pourtant… Nous ne manquons ni de connaissances ni de spécialistes dans les dossiers des hydrocarbures et des changements climatiques.La Table d’experts sur les hydrocarburesiv, tenue le 15 juin 2015 à Québec, réunissait divers spécialistes du domaine. Pour un de ces experts, M. Philip Andrews-Speed, l’approvisionnement n’est pas un problème dans l’espace nord-américain; par contre, la dimension environnement est vitale : selon lui, l’exploitation des hydrocarbures non conventionnels a sur un territoire l’effet d’une armée en marche. Et il nous a servi une vigoureuse mise en garde au sujet de l’exploration et de l’exploitation des hydrocarbures au Québec : « Be sure this is what you want to do! »M. Andrews-Speed, conscient du potentiel du Québec, de la richesse de ses écosystèmes et de sa place dans l’économie du savoir, nous conseillait de travailler à la transition vers une énergie propre au lieu de faire la promotion des hydrocarbures fossiles.Le gouvernement a déjà organisé des BAPE, des ÉES, et même une Commission sur les enjeux énergétiques du Québecv., dont le coprésident, M. Normand Mousseau, signalait encore la semaine dernière : « …le Québec dispose [...] d’un accès plus que suffisant aux ressources en gaz naturel et en pétrole dont il pourrait avoir besoin au cours de la prochaine décennie et bien au-delà. »viNous n’avons pas besoin d’explorer et d’exploiter nos hydrocarbures fossiles. Nous devons réduire la demande au lieu d’accroître l’offre. Alors pourquoi aller dans cette voie?D’ailleurs, à qui appartiennent les ressources? Aux citoyens ou aux détenteurs élus ou autoproclamés des leviers politiques et économiques du pouvoir? La notion de bien commun suscite une réflexion croissante.À quoi riment cette ÉES et cette pseudo-consultation? Les investissements publics dans la prospection des hydrocarbures, les fonds alloués aux études visant l’exploration et l’exploitation du pétrole et du gaz seraient bien mieux utilisés s’ils étaient consacrés à la recherche sur la transition énergétique.La multiplication des consultations et des exercices de relations publiques vise probablement à épuiser la contestation en décourageant les citoyens qui, bénévolement, rassemblent et diffusent de l’information et tentent de se faire entendre du gouvernement, et qui savent ce qu’ils veulent : freiner la demande et la consommation d’hydrocarbures et orienter leur société vers les énergies renouvelables.Les dirigeants doivent se demander : « Est-ce une bonne idée dans le contexte actuel de vouloir accroître la production d’hydrocarbures fossiles? » Une analyse objective les obligerait à répondre : NON!Mais s’ils persistent à ne pas ouvrir les yeux, les citoyens, eux, seront debout!Denise CampilloMembre du Regroupement Vigilance Hydrocarbures QuébecRoxton FallsRésumé d’un mémoire présenté le 16 novembre 2015 dans le cadre de la consultation sur les Évaluations environnementales stratégiques concernant le Plan d’action gouvernemental sur les hydrocarbures

Denise Campillo

Artiste-peintre de renom établie à Roxton-Falls, en Montérégie, Denise Campillo contribue de multiples façons à la lutte aux changements climatiques, notamment par son engagement à titre d’adhérente au RVHQ.

Née en Algérie en 1949, Denise Campillo a grandi et étudié en France, puis a immigré au Canada en 1974. Elle vit depuis 1980 au Québec, où elle a pris racine.

Issue d’un milieu modeste mais valorisant l’étude, les sciences et les arts, sa famille l’a poussée vers l’université où elle a obtenu des diplômes en langue et littérature anglaises, en enseignement, en traduction. Elle a enseigné à divers niveaux et fait carrière en traduction scientifique.

Précédent
Précédent

Logiquement?

Suivant
Suivant

Consultations publiques ou exercice de relations publiques?