Ressusciter les projets morts

Suite aux annonces de M Trump, M Montpetit s'interroge sur la pertinence de ressusciter les pipelines comme moyen de diversifier nos marchés. Malgré ces distractions temporaires, il faut garder le cap sur la lutte aux changements climatiques.

Ressusciter les projets morts

Depuis le 20 janvier, la pléthore d’annonces lancées depuis le bureau ovale a causé tout un émoi. Parmi cette inondation de nouvelles parfois loufoques, souvent menaçantes, la politique du « drill, baby drill » nous démontrait que le lobby des énergies fossiles venait de prendre le pouvoir alors que le rejet de l’Accord de Paris se voulait la négation complète de l’existence des changements climatiques. De plus, les mauvaises blagues au sujet du « gouverneur du 51e état » ainsi que la proposition d’annexer le canal de Panama et le Groenland laissent présager un Anschluss (annexion de l’Autriche par les nazis en 1938 ) du 21e siècle.

Certes, ces dizaines d’annonces quotidiennes provenant de la Maison-Blanche peuvent donner le vertige. Et il faut réagir! La « donne politique » a changé du tout au tout depuis janvier. Mais notre réaction doit être logique et rationnelle. Oui, il faut diversifier nos marchés pour ne pas dépendre presqu‘exclusivement de nos exportations aux États-Unis. Malgré l’actuelle tornade trumpienne, notre boussole interne doit toujours maintenir le cap sur la lutte contre les dérèglements climatiques.

Pour diversifier nos exportations, les leaders de 14 compagnies de gaz et de pétrole en profitent pour faire la promotion de nos ressources énergétiques et des pipelines comme la réponse miracle à tous nos problèmes économiques. Dans une lettre adressée à Messieurs Carney, Poilievre, Singh et Blanchet, ces promoteurs des énergies fossiles demandent que l’on déclare une crise canadienne de l’énergie où des projets-clés seraient déclarés être dans « l’intérêt national ». Cette « urgence » permettrait de réduire la réglementation, d’augmenter la production de pétrole et de permettre le début des travaux de projets majeurs en moins de six mois après qu’une demande ait été déposée. Allo, les études d’impacts environnementales!

Plusieurs politiciens s’interrogent ouvertement sur la pertinence de ressusciter l’oléoduc Énergie Est et le gazoduc GNL Québec. Quant à M. Poilievre, qui aspire à devenir Premier ministre lors des prochaines élections, il se lamente du fait que «...la loi anti-pipeline C-69 est toujours en vigueur… » Depuis deux ans, abolir la taxe carbone a été son mantra. Mais si l’objectif politique du chef conservateur est d’aider le Canada à devenir plus compétitif dans des marchés diversifiés, abolir la taxe carbone pourrait être contreproductif. En effet, l’Union Européenne se prépare à implanter un « mécanisme d'ajustement carbone aux frontières (MACF) », c’est-à-dire un tarif sur les biens qui ont une grosse empreinte carbone.

Dans un communiqué de presse, Équiterre et une centaine d’organisations font remarquer que la résurrection de ces vieux projets n’est qu’un « mirage ». Avec justesse, ils soulignent que « ...la transition socioécologique est la voie à suivre, tant pour assurer la prospérité économique du Québec que pour lutter contre les changements climatiques...». Oui, il faut répondre à une situation politique inusitée, mais temporaire. Bâtir un pipeline géant de 4 600 km, ça prend au moins cinq ans même en coupant les coins ronds. Dans 5 ans, Trump ne sera plus au pouvoir; mais nous, nous serons pris avec cette patate chaude dispendieuse.

Les promoteurs des énergies fossiles gagnent sur tous les fronts. Aux États-Unis, Trump veut s’enrichir avec le pétrole. Il sort son pays de l’Accord de Paris et éviscère les politiques environnementales. Lee Zeldin, le nouvel administrateur de l’EPA (l’Agence de protection de l’environnement des États-Unis), explique ainsi cette nouvelle politique sur le site web de l’agence : « ...Nous enfonçons un poignard directement dans le coeur de la religion des changements climatiques pour abaisser les coûts de la vie des Américains, permettre l’épanouissement des énergies américaines…». Tandis qu’au Canada, la réponse des pétrolières, ce serait de construire des infrastructures qui permettront de produire plus de pétrole pendant des décennies.

Pourtant, les scientifiques et le GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) sont unanimes. Il faut réduire nos émissions planétaires de carbone. Le Dr James Hansen nous dit que si nous voulons préserver une planète similaire à ce qui a permis à notre civilisation de s’épanouir, il faudrait réduire la concentration de carbone dans l’atmosphère à 350 ppm. Selon lui, si l’humanité continue à brûler des énergies fossiles au même rythme, « ...la jeune génération sera condamnée à un nettoyage gargantuesque et douteux, ou à un accroissement d’impacts climatiques délétères, ou aux deux…. ».

M. Trump et les adorateurs du dieu pétrole ressemblent à une horde de lemmings qui s'élancent, tête baissée, vers le précipice d'une mer appelée changements climatiques. S’ils veulent se noyer, c’est leur choix. Mais ont-ils le droit d’imposer ce suicide collectif à la jeune génération? Les jeunes, nés après l’an 2000, doivent-ils se contenter de vivre avec la possibilité cauchemardesque de faire face à l'apocalypse de la 6e grande extinction des espèces? Comme le déplorait la jeune Greta Thunberg au siège de l’ONU en septembre 2019 : « ...Vous avez volé nos rêves avec vos paroles creuses….Les gens souffrent, ils meurent. Des écosystèmes entiers s’effondrent et tout ce dont vous parlez c’est de l’argent et de contes de fées de croissance économique éternelle! How dare You?... » (Comment osez-vous?)[9]

Gérard Montpetit

Membre du CCCPEM

le 24 mars 2025

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9] Greta Thunberg par Maëlla Brun édition l’Archipel, 2020, 237 pages. citation à la page 122

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