Tricheries canadiennes

M Montpetit de La Présentation constate que pour respecter l'Accord de Paris, il faut réduire nos émissions de gaz carbonique. Ne pas compter certaines émissions serait de la tricherie systémique.

Tricheries canadiennes

Dans Le Devoir du 19 juillet 2022, on peut lire que les documents de consultation suggèrent que le « raffinage du pétrole et le transport de gaz par pipeline pourraient échapper à la comptabilité du futur plafond fédéral d’émissions de gaz à effet de serre (GES) pour l’industrie pétrolière .» Pardon! Pour supposément atteindre nos objectifs de réduction de GES, on pourrait tricher en « oubliant » de compter certaines émissions! Une telle hypocrisie nous rappelle la célèbre phrase de Tartuffe à la belle Dorine : « Couvrez ce sein que je ne saurais voir: - Par de pareils objets les âmes sont blessées, - Et cela fait venir de coupables pensées. »[1]

En signant l'Accord de Paris, nous nous sommes engagés à réduire nos GES et cela, sans tricheries. Toutes les sources de gaz carbonique et de méthane doivent être rigoureusement comptabilisées, même les rots et les pets de vaches. En effet, chacun des 1,4 milliard de bovins de la planète produit quotidiennement entre 250 et 500 litres de méthane.

Dans le cadre du plan climatique du gouvernement Trudeau (mars 2022), on estime qu'il est possible de réduire les émissions du secteur pétrolier de 31%; on remarquera que c'est moins que le 40% qui est exigé de l'ensemble de l'économie. Malheureusement, cet objectif très limité est handicapé par de nombreuses lacunes. Entre autres, plusieurs études suggèrent que les « émissions fugitives » des puits orphelins ou abandonnés et des pipelines sont grandement sous-évaluées.

Autre lacune majeure de la comptabilité canadienne : elle se limite aux émissions internes. Le groupe Ecojustice, qui milite pour le droit environnemental, fait remarquer que le bilan des GES du Canada inclut seulement ceux produits à l'intérieur de nos frontières. Mais les GES produits par les énergies fossiles que nous exportons sont comptabilisés dans le pays importateur : « En 2019, les émissions canadiennes de GES étaient de 730 millions de tonnes (Mt) de CO2 alors que les émissions de nos carburants exportés étaient de 954 Mt. Donc en 2019, le cumul de nos émissions intérieures et de celles de nos carburants exportés est de 1 684 Mt » Pour sa part, le Front étudiant d’action climatique (FEDAC), qui veut notamment  « s’impliquer dans les consultations qui encadreront le plafonnement des émissions des secteurs pétrolier et gazier canadiens » dénonce l’état de fait suivant : « Les GES liés à la combustion de nos exportations d’énergies fossiles […] sont, pour le moment, exclus de tout plan de réduction, ce qui est un non-sens absolu La comptabilité créative du Canada peut délibérément « oublier » d'inclure nos GES exportés mais la réalité climatique est planétaire!

Certes, le ministre Guilbeault a raison de dire qu'une grande partie des émissions se produit lors de l'extraction du carburant fossile. Mais logiquement, il faudrait aussi inclure les émissions des carburants fossiles que nous exportons! Et pourquoi soustraire les émissions produites par les  raffineries et les gazoducs? Mathématiquement, toutes ces manoeuvres seraient aussi logiques que d'affirmer que 2 + 2= 3.

Ces jours-ci, les dérèglements climatiques nous tombent dessus comme la misère sur le pauvre monde. C'est pourquoi le Canada doit réellement réduire ses GES, non seulement pour respecter ses engagements en vertu de l'Accord de Paris, mais surtout pour éviter les pires effets du réchauffement climatique au niveau planétaire. Honte aux trafiquants de chiffres. Ne pas compter certaines émissions, c'est comme tricher à un examen. Un étudiant en chirurgie qui tricherait durant un examen pourrait obtenir la note de passage sur son bulletin, mais il ne maîtriserait pas sa matière. Qui voudrait être le patient sur la table d'opération de ce tricheur qui n'a pas le savoir-faire nécessaire pour manier adéquatement le scalpel?

Gérard Montpetit

membre du CCCPEM (Comité des citoyens et citoyennes pour la protection de l'environnement maskoutain)

le 21 juillet 2022

1]  Tartuffe, de Molière, Acte 3 Sc.2

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