Les torpilleurs de la COP 26
La 26e Conférence des Nations unies sur le climat (COP 26) tire à sa fin. Tous les espoirs sont permis, pourvu que l’ensemble des participants à la conférence soient de bonne foi. Après tout, le rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) est formel : l’humanité est au bord du gouffre si elle continue avec la même approche qu’elle avait au vingtième siècle. Tout comme le GIEC avec qui il a partagé le prix Nobel de la paix en 2007, l’ancien vice-président des États-Unis Al Gore rappelle cette vérité dérangeante (An Inconvenient Truth).[1] Pourtant, à quelques heures de la clôture de la conférence, se pose toujours LA QUESTION de savoir si on utilisera les mots « énergies fossiles » dans le communiqué final.[2]
Pourquoi cette conférence deviendrait-elle un éléphant qui accouche d’une telle souris? La COP 26 est un beau bateau, mais ses ennemis veulent le détruire. Ils forment une flottille de torpilleurs (en anglais «destroyers»!) dont la mission est de le faire sombrer. Pour torpiller la COP 26, cent compagnies oeuvrant dans les énergies fossiles ont un contingent de 503 délégués sur le plancher de la conférence de Glasgow. Aucun pays n’a une délégation aussi imposante que l’ensemble de ces compagnies! Même les délégations officielles de 27 pays (dont le Canada) comptent des lobbyistes dans leurs rangs.[1]
Nikki Reisch, du Center for International Environmental Law, affirme que « les représentants des énergies fossiles sont partout sauf au niveau des décisions négociées par les gouvernements. » En même temps, il y a beaucoup de restrictions pour la participation des membres de la société civile, particulièrement ceux en provenance des pays pauvres. Ce déséquilibre des forces entre la population et les pollueurs menace la légitimité des résultats de la COP 26.[3]
Aux côtés du Premier ministre Trudeau et de son ministre de l’environnement, M. Steven Guilbeault, on trouve des lobbyistes du pétrole. En effet, depuis une dizaine d’années, les représentants de l’industrie exercent une pression constante sur le gouvernement fédéral en cumulant plus de 1 000 rencontres par année. Logiquement, cette industrie ne devrait avoir aucune place aux tables de négociation des solutions.[4] Leur participation à la COP 26 rappelle la sagesse d’une parole d’évangile :« Nul ne peut servir deux maitres. Car, ou il haïra l’un et aimera l’autre, ou il s’attachera à l’un et méprisera l’autre. Vous ne pouvez servir Dieu et Mammon.» (Matt. 6:24) Résoudre la crise climatique est incompatible avec une utilisation accrue des énergies fossiles.
Et puis, en coulisse, les grandes banques jouent le rôle d’un cheval de Troie; elles professent se convertir aux énergies renouvelables tout en finançant massivement les projets pétroliers. Selon Greenpeace, « les banques canadiennes ont fourni près de 700 milliards de dollars canadiens aux entreprises de combustibles fossiles depuis la signature de l’Accord de Paris sur le climat en décembre 2015. »[5] Les cinq grandes banques canadienne sont parmi le top 25 des banques mondiales qui financent le plus les combustibles fossiles. Est-il moralement acceptable de faire de l’argent avec des investissements qui poussent l’humanité vers l’extinction?
L’ère du pétrole est révolue. Même la très conservatrice Agence internationale de l’énergie(AIE) affirme qu’il ne faut plus investir dans de nouveaux projets d’énergie fossile! [6 et 7] Comme un rat acculé dans un coin par un fox terrier, le lobby pétrolier joue sa survie; il lui faut torpiller la COP 26. Mais un rat qui n’a plus rien à perdre peut être rusé et extrêmement dangereux. Espérons que les négociateurs auront la sagesse de choisir la survie de l’humanité plutôt que celle des pétrolières!
Gérard Montpetit
La Présentation, Québec.
Membre du CCCPEM